Di Enrico Pugliese, Rodolfo Ricci
Peut-être n’a-t-on pas assez réfléchi là-dessus. On a peu évoqué l’angoisse pour un conjoint qui est loin de chez lui -étudiant, ouvrier précaire, ou employé également précaire- confiné dans un logement petit et surpeuplé.
Parmi toute la solidarité nationale que nous avons observé -et surtout observé décanter- amanqué un effort de solidarité inter-régionale. Nous ne savons pas si l’on pouvait faire autrement. Et il fallait bien sûr décourager les départs incontrôlés. Mais certainement des critères meilleurs et plus humains pouvaient-ils être adoptés.
Bien plus grave est la situation des Italiens à l’étranger. Il y a parmi eux une composante de dimension non exactement estimable (mais égale au moins à un million de personnes) constituée de ce qui est habituellement défini comme “la nouvelle émigration italienne”. Il s’agit de jeunes (et moins jeunes) de divers niveaux d’instruction et qualification caractérisés par une situation analogue sur le marché du travail. Qu’ils soient serveurs, employés dans des activités commerciales, dans des instituts de recherche, collaborateurs d’études d’archistar, pour eux la condition précaire est la norme. Et au travail précaire régulier s’ajoute aussi à l’étranger celui de
travail au noir. La très grande majorité de ces nouveaux émigrants vit dans quatre ou cinq pays européens. Et jusqu’à une période très récente ils ont vécu leur expérience migratoire comme une sorte d’émigration interne. On partait sans passeport, on connaissait ou apprenait rapidement la langue. Et le travail, bien que précaire, était meilleur que celui qu’on pouvait trouver chez soi, si
tant est qu’on en trouva un. Les informations venant d’associations opérant dans le domaine de l’émigration montrent au contraire un nombre significatif de cas de perte de travail dans des secteurs où les nouveaux émigrants italiens ont une présence importante. Il ne s’agit pas seulement de la fermeture de restaurants mais par exemple aussi de toute la filière alimentaire qui dans un pays comme l’Allemagne emploie des dizaines de milliers de nouveaux émigrants italiens. Et on trouve des situations analogues dans le commerce et dans les activités de service et autre. Bien sûr de nombreux pays destinataires de la récente émigration italienne auront-ils mis en oeuvre des mesures de soutien aux travailleurs analogues à celles de l’Italie. Mais il y a de sérieux problèmes concernant l’accès effectif à leurs bénéfices. Avant tout en sont exclus ceux qui travaillent au noir. Ensuite on se heurte aux habituelles limitations discriminatoires au niveau bureaucratique.
À ce sujet, et en avançant quelques propositions, la Cgie (Conseil des Italiens à l’étranger) exprime de sérieuses préoccupations, en demandant au gouvernement italien de “solliciter les états membres de l’Ue pour qu’ils prennent à leur charge l’urgence de ces situations” et d’”assurer la subsistance des travailleurs étrangers, quelles que soient leur résidence officielle et leur insertion dans le système de prévoyance local”. Et requiert en outre d’agir directement pour des cas “particulièrement délicats qui peuvent concerner des couches de population non
couvertes par la protection sociale locale dans des pays très désavantagés”. Ceci en ce qui concerne les Italiens à l’étranger. Mais à cette urgente exigence de solidarité correspond une autre, tout aussi urgente, à l’égard des immigrés étrangers en Italie. Il est nécessaire que les aides prévues par les décrets actuels n’excluent pas les travailleurs étrangers : non seulement ceux qui sont en situation régulière (chose qui est prévue par la loi italienne) mais aussi ceux qui travaillent au noir ou dans des conditions irrégulières. Ce qui correspond exactement à ce que le Cgie demande aux gouvernements européens pour les émigrés italiens.Un large écho sur les réseaux sociaux a été provoqué par la décision du gouvernement portugais de procéder à la régularisation immédiate de tous les travailleurs étrangers présents
sur le territoire national. La motivation du gouvernement portugais a posé en premier lieu la question des droits humains et de la santé. Sans oublier en outre -et il faut le rappeler en cas de surdité des institutions- la nature indispensable de ces travailleurs dans la vie économique et
sociale du pays. Nombreux sont ceux qui ont réalisé cela et de nombreuses voix se sont exprimées en ce sens dans notre pays.
Il manifesto a relayé dans l’article de Massimo Franchi l’appel de la Flai-Cgil qui notamment demande la régularisation de tous les immigrés. Et jamais comme aujourd’hui une intervention de ce genre est à la fois urgente et possible. Avant tout pour que les travailleurs précaires ou au noir dans l’agriculture, et pas seulement, actuellement sans travail puissent profiter des allocations prévues pour tous les travailleurs salariés mais aussi pour qu’ils puissent faire face dans des conditions de vie plus décentes à la situation actuelle.
On note aussi des avancées dans cette direction. Ces derniers jours divers représentants politiques et gouvernementaux, notamment la Ministre de l’agriculture et le Ministre pour le sud, ont proposé la régularisation des travailleurs immigrés présents sur le territoire italien.
Il ne s’agit pas seulement d’un geste humanitaire, parce que si les centaines de milliers de travailleurs (au noir) s’en vont la filière agricole et alimentaire saute, comme déjà est en train de sauter celle de l’assistance familiale fondée sur les “badanti” (travailleurs étrangers à domicile
pour garder des personnes âgées). Et il faut faire vite avant que, passé ce moment de solidarité, les propositions humanitaires et rationnelles ne connaissent le même sort que celles sur le ius soli (droit du sol).
Édition de vendredi 2 avril 2020 de il manifesto
https://ilmanifesto.it/solidarieta-per-gli-emigranti-solidarieta-per-gli-immigrati/